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Un devoir sacré


Restaurer les forêts brésiliennes grâce aux savoirs des peuples autochtones

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Pour le peuple autochtone Xukuru, prendre soin de la terre de l’Ororubá est un devoir sacré, qui mêle cosmogonie, biocentrisme, lecture des écosystèmes et savoirs autochtones avec la technologie de pointe. © FAO/Marcus O’Brien

19/11/2025

Alors que le jour se lève sur les montagnes de l’Ororubá dans l’État du Pernambouc (Brésil), un groupe de jeunes autochtones appartenant au peuple Xukuru do Ororubá se réunit à l’orée d’une pépinière. Ils prennent soin de jeunes plants d’arbres et d’autres végétaux indigènes, en particulier d’espèces utilisées à des fins médicinales que l’on avait perdues, mais qu’ils font aujourd’hui revivre.

L’équipe de travail, qui compte une douzaine de personnes, forme une chaîne humaine afin de charger les plants les plus matures dans une vieille fourgonnette blanche et de les acheminer jusqu’à des sites forestiers en restauration.

Ângela Neves Pereira ou «Bella», comme on l’appelle, gardienne spirituelle d’un savoir ancestral, dirige l’équipe. Les jeunes plants de végétaux et d’arbres qu’elle a fait pousser – 20 000 à ce jour, et presque exclusivement des plantes indigènes – symbolisent une ambition bien plus grande que celle de restaurer et de reboiser la terre: l’objectif est de rétablir une cosmogonie, une identité, une culture et un équilibre.

«Nous rencontrons de nombreuses difficultés, mais nous les affrontons avec calme, patience et sagesse», dit Bella. «Nous transformons ces difficultés en force et en résilience afin de continuer à résister, à reboiser, à vivre, à évoluer et à restaurer les zones dégradées, qui à nos yeux sont “malades” et doivent être soignées.»

Depuis 2023, l’Unité chargée des peuples autochtones de l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) et le peuple Xukuru, représenté par le collectif Jupago Kreká, travaillent ensemble à la remise en état des forêts de l’Ororubá dans le cadre du Programme mondial de restauration biocentrique dans les territoires des peuples autochtones, un programme co-élaboré par l’Unité chargée des peuples autochtones de la FAO et des organisations de peuples autochtones qui a débuté en 2019 en Inde, en Thaïlande, en Équateur et au Pérou et a été ensuite élargi au Brésil, au Costa Rica, à la Bolivie et au Népal.

La restauration biocentrique dans les territoires des peuples autochtones est au cœur de cette initiative. Il s’agit d’une méthode qui consiste à privilégier le bien-être de l’ensemble du vivant au sein d’un écosystème et à mettre les peuples autochtones au centre du rétablissement de la mémoire perdue de leurs territoires, en s’appuyant sur leurs systèmes alimentaires, systèmes de connaissances, croyances spirituelles, pratiques de gestion du territoire et cosmogonie. Cette méthode est intergénérationnelle, mobilise des personnes âgées, des jeunes, des guérisseurs traditionnels et des forestiers et considère les femmes comme des protectrices de la biodiversité et des gardiennes du savoir.

Aujourd’hui, le Gouvernement du Brésil et le programme AIM4Forests de la FAO se sont joints aux efforts menés dans le cadre du Programme mondial de restauration biocentrique dans les territoires des peuples autochtones afin de transposer à plus grande échelle les résultats obtenus.

Dans le cadre du programme AIM4Forests, le Royaume-Uni a accordé un financement de 9 millions d’USD à une initiative appelée «Accélérer le suivi innovant de la restauration de la nature», ou AIM4NatuRe. Cette initiative vise à améliorer la manière dont les pays et les acteurs suivent et signalent les progrès accomplis dans la restauration des écosystèmes, l’objectif étant de remettre en état au moins 30 pour cent des écosystèmes dégradés d’ici à 2030.

Le soutien que prête AIM4NatuRe au Programme mondial de restauration biocentrique dans les territoires des peuples autochtones au Brésil et au Pérou est une bonne nouvelle pour les peuples autochtones. Cette collaboration, qui a débuté en 2025, permet d’améliorer la formation à la gestion des pépinières communautaires, de contribuer à la renaissance des connaissances des peuples autochtones et, dans le même temps, de renforcer les capacités en matière de suivi de la restauration des écosystèmes et de transposer à plus grande échelle la restauration biocentrique des territoires des peuples autochtones.

En 2001, après des décennies de lutte pour récupérer les terres ancestrales perdues au temps des colonies européennes, le peuple Xukuru, qui compte quelque 12 000 personnes, s’est vu accorder le droit de reprendre possession du territoire et de le contrôler. Mais la plupart des terres s’étaient dégradées au fil du temps: elles avaient été déboisées, s’étaient érodées et avaient perdu leur biodiversité.

Un des objectifs de cette collaboration consiste à aider davantage les communautés de peuples autochtones, notamment le peuple Xukuru, en tant que détenteurs de droits et de savoirs, à réhabiliter des terres dégradées, à protéger la biodiversité et à rétablir la santé des forêts.

Le chef Marcos du peuple Xukuru incarne cette mission sacrée. Pour lui, la terre, l’esprit et l’identité sont intrinsèquement liés. «Selon nos croyances, pour devenir des êtres enchantés, nous devons notamment prendre soin de ce territoire, où nous vivons aujourd’hui et où nous reviendrons en tant qu’ancêtres», explique-t-il alors qu’il se tient dans l’Espaço Mandaru, lieu de réunion spirituelle.

À 70 ans, Dona Socorro, guérisseuse, dirige l’enseignement dans les «écoles de la vie» Xukuru, où l’on apprend aux enfants et aux jeunes les propriétés médicinales des plantes, le caractère sacré des forêts et les liens qui unissent tous les êtres vivants. Aux côtés de Bella et d’autres, elle perpétue des connaissances spirituelles et médicinales que l’on trouve rarement dans les manuels scolaires. Pour Dona, la médecine par les plantes et la remise en état sont indissociables: guérir la terre c’est aussi guérir les personnes.

Grâce au financement du Royaume-Uni, l’initiative AIM4NatuRe contribue à la remise en état des écosystèmes. Les Xukuru sont le premier peuple autochtone à participer officiellement au Programme mondial de restauration biocentrique dans les territoires des peuples autochtones et à l’initiative AIM4NatuRe. © FAO/Marcus O’Brien

Situées dans le biome de la Caatinga au Brésil – un des endroits critiques selon la Convention des Nations Unies sur la lutte contre la désertification –, les terres des Xukuru sont particulièrement touchées par la perte d’espèces causée par l’utilisation non durable des terres, en particulier la conduite de l’élevage, et par les effets du changement climatique.

La FAO a certes contribué à l’initiative en formant au suivi de la restauration et en apportant des connaissances et des outils dans ce domaine, mais ce sont le dynamisme et les connaissances scientifiques des Xukuru eux-mêmes qui sont le moteur d’une remise en état pleine de sens sur les plans culturel et spirituel.

Iran Neves Ordonio, conteur Xukuru qui contribue depuis toujours à la remise en état de l’environnement, explique que son peuple, et tous les autres peuples autochtones, doivent revenir à leurs racines ancestrales, à la fois symboliquement et concrètement.

«Si la forêt va mal, tout va mal. La nature nous parle – même dans son silence, quand les oiseaux ne chantent plus», dit-il en évoquant le biocentrisme. Iran pense que, pour honorer le patrimoine familial et culturel, il faut inciter sa communauté, en particulier les jeunes, à rétablir la biodiversité de la terre et donc son esprit.

Un cercle de prière pendant une action de restauration biocentrique dans les terres du peuple autochtone Xuruku. © FAO/Marcus O’Brien

Le Brésil s’est engagé à restaurer 12 millions d’hectares de couvert végétal indigène d’ici à 2030. Un des piliers de cette initiative consiste à collaborer avec les peuples autochtones aux fins de la remise en état de leurs terres. Les Xukuru sont le premier peuple autochtone à participer officiellement au Programme mondial de restauration biocentrique dans les territoires des peuples autochtones, qui bénéficie à présent du soutien de l’initiative AIM4NatuRe. Cette collaboration stratégique sert actuellement de modèle à d’autres peuples autochtones, alors que les deux programmes prennent de l’envergure.

Lorsque l’on associe le dynamisme, l’héritage culturel et l’apport scientifique des peuples autochtones, la remise en état ne peut pas être seulement écologique, elle est également spirituelle et cosmogonique, éducative et sociale, et l’on veille à ce qu’elle soit durable et que la nature soit considérée avec le même respect et la même dignité que l’humanité.

Pour les Xukuru, la protection des forêts du Brésil est une mission sacrée. Quand la forêt est en bonne santé, que les oiseaux chantent et que les plantes médicinales poussent, le territoire prospère, ce qui profite non seulement au peuple Xukuru, mais également à tout le Brésil et, en fin de compte, à la planète.

L’initiative AIM4NatuRe a été prolongée jusqu’en 2030 grâce à un financement supplémentaire du Royaume-Uni, dont la contribution totale est de 10,5 millions de GBP.

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