Le bassin et les plaines inondables du Tonlé Sap sont à la fois l’une des régions agricoles les plus importantes du Cambodge et l’une des plus exposées aux inondations et aux sécheresses. Le changement climatique a entraîné une baisse de 20 à 30 pour cent du rendement des cultures pour les agriculteurs de la région. ©FAO/Pisey Khun
Soda Thai tient une photographie dans sa main. Elle est debout aux côtés de son mari, un bébé dans les bras, et porte des vêtements usés. C’était une période difficile, se souvient-elle. «Je n’avais pas de travail, de maison ou de terrain, ni même les moyens de me lancer dans l’agriculture», raconte Soda. Il y a 18 ans, elle vivait uniquement grâce aux aides sociales du Gouvernement du Cambodge.
Aujourd’hui, Soda possède une maison et un demi-hectare de terrain. Ses deux enfants vont à l’université et elle est vice-présidente d’une coopérative agricole prospère située dans la commune de Kien Sangke (province de Siem Reap).
«Grâce à la vente de mes produits, notamment des légumes que je cultive, je perçois un revenu mensuel régulier. J’ai également obtenu un prêt que je compte utiliser pour développer mon activité agricole, en achetant davantage de terrain», ajoute-t-elle fièrement.
Cette transformation, elle la doit à la coopérative agricole Sovatepheap Thoamacheat (Ecofarm), à laquelle elle a adhéré avec d’autres agriculteurs. La coopérative est située dans le bassin du Tonlé Sap, qui fait partie des plaines du lac du Tonlé Sap et du Mekong qui sont touchées par des inondations pendant la saison de la mousson. C’est à la fois l’une des régions agricoles les plus importantes du Cambodge et l’une des plus exposées aux inondations et aux sécheresses. Les experts affirment qu’à l’avenir, le changement climatique entraînera encore plus de précipitations irrégulières et de phénomènes météorologiques extrêmes.
«Le changement climatique a eu un impact profond», observe Soda, cultivatrice de légumes. «Premièrement, nos revenus ont diminué car la productivité a fortement reculé. Deuxièmement, nous avons constaté une augmentation des organismes nuisibles et des maladies.»
Avec les autres membres de la coopérative, très investis, elle a suivi une formation sur les moyens d’accéder à de meilleures informations climatiques, afin d’en tenir compte pour les plantations, et de trouver des débouchés sur des marchés porteurs. Cette formation fait partie du projet PEARL.
Mis en œuvre par l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) et le Gouvernement du Cambodge, avec le soutien financier du Fonds vert pour le climat (FVC), le projet PEARL contribue à améliorer les moyens de subsistance d’environ 450 000 agriculteurs cambodgiens qui sont en première ligne face au changement climatique.
Formés par la FAO dans le cadre du projet PEARL, financé par le FVC, les fonctionnaires agricoles communaux enseignent aux membres de la coopérative Eco Farm des techniques climato-résilientes et des compétences commerciales visant à leur permettre d’accéder à des marchés de premier plan pour leurs produits. ©FAO/Pisey Khun
Dans le cadre du projet, des fonctionnaires agricoles communaux formés par la FAO aident les agriculteurs à adopter des techniques climato-résilientes et à renforcer leurs compétences commerciales. Toeum Nguon, fonctionnaire agricole communal, apprend à Soda et à ses collègues à créer un plan d’activité pour que «la communauté puisse répondre à toutes les demandes du marché en organisant les cultures.» Ce travail aide également les membres de la coopérative à obtenir des prêts, ce qui est fondamental.
«Dans le cas de la production de légumes, l’objectif est de réunir les agriculteurs et de les relier aux marchés et aux systèmes de prise de commande», explique Rebekah Bell, représentante de la FAO au Cambodge. «Nous essayons de cultiver des variétés pour lesquelles il existe une demande, qui constituent les options à plus forte valeur pour les agriculteurs. Le modèle de la coopérative permet aussi de mieux rémunérer les producteurs.»
Grâce au projet PEARL, les stations météorologiques des quatre provinces du nord du bassin du Tonlé Sap ont également été modernisées, et elles publient maintenant un bulletin agrométéorologique mensuel qui fournit des prévisions météorologiques pertinentes pour les principales cultures. Ces bulletins offrent des conseils sur les techniques climato-résilientes à adopter pour éviter les pires conséquences en s’y prenant à l’avance. Nguon veille à ce que Soda et ses collègues agriculteurs puissent consulter le bulletin sur leur ordinateur portable, leur tablette ou leur téléphone.
Par ce biais, Soda a appris l’existence d’une solution durable permettant de lutter contre la propagation d’insectes qui se nourrissent de ses cultures. «À la coopérative, nous utilisons désormais des pesticides naturels et de l’huile de margousier. Nous prenons nos précautions, une à trois semaines avant l’apparition de ces nuisibles», dit-elle d’un air satisfait.
En réunissant les pouvoirs publics, les producteurs et les entreprises, le projet PEARL permet également de nouer des partenariats stratégiques qui facilitent l’achat, la transformation et la vente des légumes et des cultures de haute valeur.
«Pendant nos discussions, nous repérons les défis et les possibilités, et nous aidons les agriculteurs à résoudre leurs problèmes en coopération avec les différents acteurs de la chaîne de valeur», explique Davronjon Okhunjonov, conseiller technique de la FAO au Cambodge.
En rejoignant la coopérative et en suivant la formation de la FAO, Soda Thai est parvenue à augmenter les revenus qu’elle tire de la culture maraîchère et à trouver des débouchés intéressants pour ses produits, tels que les restaurants et les hôtels. ©FAO/Pisey Khun
À Damdek, à une heure de voiture de son exploitation, c’est l’heure du déjeuner. Une restauratrice cuisine et sert à ses clients les légumes frais qu’elle a achetés à la coopérative de Soda, qui sont les principaux ingrédients de nombreux plats qu’elle propose. Leaksrey Ly, la propriétaire du restaurant, déclare: «Leurs légumes sont excellents. Ils n’utilisent pas d’engrais chimiques, uniquement des engrais naturels», souligne-t-elle. «Les prix sont raisonnables.»
Pour Soda, la coopérative agricole apporte de nombreux avantages: «Une fois que l’on devient membre, on fait partie d’un groupe et on vend nos produits ensemble.»
En unissant leurs forces et en accédant à des marchés de premier plan, Soda et les autres membres de la coopérative contribuent à renforcer la résilience face au changement climatique et à bâtir un avenir dans lequel la sécurité alimentaire est assurée.
Pour en savoir plus